Mécanisme national de prévention de la torture : la CNDH peut désormais compter sur la bonne collaboration des acteurs des Hauts-Bassins et du Sud-Ouest
La Commission nationale des droits humains (CNDH), a organisé des sessions de renforcement de compétences au profit des acteurs étatiques et non étatiques sur la prévention de la torture et des pratiques cruels, inhumaines et dégradantes les 18 et 19 décembre 2023, à Bobo-Dioulasso dans la région des Hauts-Bassins puis à Gaoua dans la région du Sud-Ouest du 21 au 22 décembre 2023. Cette tournée régionale avait pour objectif d’informer, de de sensibiliser et d’interpeller les acteurs de ces régions sur la nécessité de prévenir les actes de torture et pratiques inhumaines et dégradantes mais aussi de présenter le Mécanisme national de prévention de la torture (MNP) dévolu à la CNDH.
Le Burkina Faso a ratifié le Protocole facultatif à la convention contre la torture le 21 septembre 2005. Pour se conformer à ses obligations conventionnelles, notre pays a mis en place un Mécanisme national de prévention de la torture (MNP) en adoptant la loi n0002-2021/AN portant modification de la loi n0001-2016/AN portant création d’une Commission nationale des droits humains (CNDH), qui fait office de Mécanisme national de prévention de la torture et des pratiques assimilées(MNP) du Burkina Faso.
À Gaoua comme à Bobo-Dioulasso, il s’agissait de s’accorder sur la définition de la notion de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants. Selon l’article 1 de la Convention relative à la prévention de la torture, il y a torture chaque fois que des souffrances physiques ou mentales aigues sont intentionnellement infligées à une personne directement ou indirectement par un agent de l’État, aux fins d’obtenir de celle-ci des renseignements ou aveux, ou encore de le punir, de l’intimider ou de lui faire pression à des fins discriminatoires.
Selon le communicateur, Kouzodon DA, Conseiller en droits humains à la CNDH, l’acte de torture qu’il soit physique ou mental se compose de 3 éléments constitutifs à savoir : l’intensité de la souffrance, l’intention et l’identité de l’auteur de l’acte de torture.
Les pratiques assimilées sont quant à elles définies par l’article 512-1 du Code pénal comme des actes d’omissions constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture mais qui sont commis par un agent de l’Etat ou tout personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.
Les participants se sont imprégnés du contenu de l’arsenal juridique interdisant les actes de torture et des pratiques assimilées à travers un deuxième module de formation sur le cadre juridique international et régional de la prévention de la torture. De la Déclaration universelle des droits de l’homme en passant par la Convention contre la torture à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, les formateurs ont expliqué aux participants, les droits essentiels des personnes détenues ou gardées à vue dans tous les lieux de privation de liberté. Le cadre juridique national est organisé par la Constitution, le Code de procédure pénal, la loi n0 002-2021/AN du 30 mars 2021 portant modification de la loi n0001-2016/AN du 24 mars 2016 portant création d’une Commission nationale des droits humains (CNDH) et des lois et décrets sur les statuts du corps de la Police nationale, la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP) et des forces armées nationales. Tous ces textes juridiques prévoient de lourdes sanctions allant de l’emprisonnement de 3 mois à la prison à vie y compris les amendes et sanctions disciplinaires.
Les Mécanismes nationaux de prévention de la torture (MNP) sont des entités autonomes créées au niveau national pour prévenir la torture et les pratiques assimilées conformément au protocole facultatif (OPCAT) relatif à la Convention contre la torture. Les formateurs ont expliqué que pour contribuer efficacement à prévenir la torture, les MNP et les acteurs qui l’animent doivent être indépendants et compétents. La première initiative de création d’un MNP est née de l’adoption de la loi n0022-2014/AN portant prévention et répression de la torture et des pratiques assimilées qui prévoyait un Observatoire national de prévention de la torture (ONPT). Le mandat de l’ONPT sera par la suite reversé à la CNDH avec l’adoption de la loi n0002-2021/AN portant modification de la loi portant création d’une Commission nationale des droits humains.
Dans le cadre de ce mandat, la CNDH a, entre autres attributions de visiter avec un droit d’accès sans restriction des lieux de privation de liberté ainsi que leurs installations et équipements, de formuler des recommandations à l’intention des autorités compétentes et produire un rapport annuel relatif au MNP.
Les actions déjà menées, les recommandations et les perspectives dans le cadre du MNP ont été présentés aux représentants des forces vives de 02 régions. L’occasion a été saisie pour sensibiliser les responsables de l’application de la loi c’est-à-dire la police judiciaire sur leur rôle dans la lutte contre la torture. Ceux-ci sont soumis à des obligations individuelles de respecter, de protéger, prévenir la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Les 02 sessions ont également servi de cadres de dialogue et de partage d’expériences entre les différents acteurs. Les participants ont exprimé leur satisfaction et leurs attentes vis-à-vis du MNP.
Le Contrôleur de Sécurité Pénitentiaire Alioune Bassom a représenté la Maison d’arrêt et de correction (MAC) de Gaoua : « J’apprécie la qualité des communicateurs ainsi que la manière dont ils ont animé la formation. On croyait tout savoir sur la conduite de nos missions, mais la participation à cet atelier de formation nous a permis de voir les failles qui subsistaient. Et avec ce qu’on a appris, on va essayer de recadrer le tir au sein des établissements pénitentiaires. »
Le Représentant de sa Majesté Bifato II, Chef de Gaoua : « Cette formation nous a permis de comprendre le fonctionnement du Mécanisme national de prévention de la torture et de bien collaborer avec la CNDH pour qu’il soit davantage opérationnel. En termes de recommandation c’est dire à la CNDH de rentrer en profondeur les prochaines fois en impliquant plus les associations œuvrant dans le domaine des droits humains qui peuvent véritablement dénoncer les cas de violations des droits humains »
Adiara DAH est le Représentant du Conseil régional de la jeunesse du Sud-Ouest « Avant cet atelier, nous ignorions l’existence de la CNDH, une institution qui fait la promotion des droits humains. Au vu de la pertinence des modules qui ont été présentés, on retient beaucoup de choses à travers les conventions et les lois qui ont été présentées. Notamment la définition de la torture par rapport à ce qu’on entendait dans le langage courant. Comme recommandation, vous savez que la jeunesse est parmi les couches vulnérables donc nous demandons à la CNDH d’organiser à son profit des activités de formation pour leur communiquer leurs droits civils et politiques ».
Alain Kambiré est Attaché de santé psychiatrique au district sanitaire de Gaoua « Durant la formation, j’ai reçu beaucoup de connaissances qui vont m’aider à prendre davantage les malades dans leur dignité et leur intégrité humaine. Depuis longtemps quand on parle de droits de l’homme nous ne connaissions que le ministère en charge de la justice, le MBDHP, la Gendarmerie et la Police. Mais c’est véritablement grâce à cette formation que je découvre l’existence de la CNDH, un organisme national qui fait la promotion de la lutte contre la torture et les traitement inhumains. L’inaccessibilité au traitement médical pour les malades mentaux est la cause du recours à des structures autres que les centres psychiatriques où les malades subissent malheureusement parfois des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Donc je demande à l’État de faire l’effort de recruter plus de psychologues pour suivre ses agents et la population »
Raissa Tamini est la représentante de l’Association Femmes et vie dans la région des Hauts-Bassins « Les communications et les échanges nous ont permis d’approfondir nos connaissances sur les instruments juridiques existant en matière de protection contre la torture au Burkina Faso. Cela nous a permis aussi de réfléchir sur les actions que nous pouvons mener pour accompagner la CNDH dans ses activités de prévention contre la torture. De façon générale, les femmes sont aussi confrontées à la torture que ce soit dans les conditions de détention carcérale ou dans les cellules de garde à vue où il leur faut un traitement particulier. Donc nous pensons qu’il y a un travail à faire et cette formation nous permet de réorienter nos actions par rapport à la problématique. Il s’agira essentiellement d’activités de sensibilisation, de plaidoyer et des causeries éducatives avec les usagers des services de l’Etat afin qu’ils sachent davantage leurs droits. Ce qui va aussi amener les responsables de l’application de loi à respecter les droits »
Le Sergent-Chef de Police Solange BAGUERA représente le Commissariat central de Police de Bobo-Dioulasso, « La nature des activités de la police judiciaire peut exposer le policier à des accusations d’actes de torture. Je sais désormais qu’il est interdit d’obliger une personne à parler lors de son audition. On doit bien entretenir l’hygiène dans les cellules de garde à vue comme si c’était nous-même qui les utilisons. Nous ferons de notre mieux pour bien traiter les gardés à vue en les tenant informés de leurs droits et devoirs. Et je demanderai au Mécanisme de nous assurer au moins une formation continue car beaucoup de collègues qui n’ont pas participer à cette formation risquent de demeurer dans l’ignorance ».
Service – communication – CNDH