73ème session ordinaire de la CADHP : La déclaration de la CNDH du Burkina Faso

73ème session ordinaire de la CADHP : La déclaration de la CNDH du Burkina Faso

DÉCLARATION PRÉSENTÉE PAR LA COMMISSION NATIONALE DES DROITS HUMAINS A LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES LORS DE SA 73EME SESSION ORDINAIRE


Monsieur le Président,

Honorables Commissaires,

Distingués Délégués ;

Mesdames et Messieurs,

Chers participants-es,

Tout protocole respecté,

Permettez-moi dès l’entame de mon propos d’exprimer ma gratitude et celle de notre institution à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples pour l’opportunité offerte à la Commission nationale des droits humains du Burkina Faso de prendre la parole à cette session.

La Commission nationale des droits humains du Burkina Faso existe dans le paysage institutionnel depuis 2001. Elle a connu plusieurs réformes dont la majeure est celle opérée par la loi n°001-2016/AN du 24 mars 2016 portant création d’une Commission nationale des droits humains au Burkina Faso. Cette loi a été modifiée par la loi n°002-2021/AN du 30 mars 2021 qui confère le mandat de Mécanisme national de prévention de la torture à la CNDH.

Monsieur le Président,

Distingués Délégués ;

La période couverte par l’intervention a été caractérisée par la persistance des attaques terroristes qui continuent d’engendrer de graves atteintes aux droits humains, notamment de nombreuses pertes en vies humains, la destruction de biens et le déplacement massif de population. L’une des attaques les plus meurtrières a eu lieu dans la nuit du 11 au 12 juin 2022, dans la commune de Seytenga dans la région du Sahel et a causé, selon le bilan officiel, le décès de 86 personnes et le déplacement forcé de 29 205 personnes. Le nombre de personnes déplacées internes à la date du 30 septembre 2022 est de 1 719 332 selon le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation. Il convient aussi de faire mention de la récente attaque contre un convoi de ravitaillement de la ville de Djibo en produits de première nécessité survenue le lundi 26 septembre 2022 à Gaskindé dans la région du Sahel. Cette attaque a provoqué selon le bilan officiel la mort de 27 militaires et la disparition d’environ une cinquantaine de personnes ainsi que la destruction des plusieurs véhicules transportant des biens divers.

En réaction à ces attaques terroristes, le Burkina Faso a engagé des opérations de sécurisation du territoire qui donnent parfois lieu à des allégations de violations des droits humains telles que des exécutions sommaires et extrajudiciaires, des disparitions forcées. La Commission nationale des droits humains a mené des investigations sur ces allégations sur la base de saisines d’organisations de défense des droits humains, de parents et ayants-droit des victimes ou d’auto-saisine. Des rapports d’investigation assortis de recommandations ont été adressés aux autorités compétentes.

Par ailleurs, le Burkina Faso s’est doté d’une loi d’habilitation du Gouvernement à prendre des mesures dans le cadre des sujétions liées aux nécessités de la défense nationale. Associée aux débats parlementaires pour son adoption, la CNDH, a reconnu la légalité d’une telle démarche prévue par la Constitution. Elle a toutefois émis des réserves quant à l’imprécision de la notion de sujétions liées à la défense nationale et à l’absence de dispositions imposant que ces mesures soient conformes aux engagements internationaux du Burkina Faso en matière de droits humains.

La CNDH salue la tenue des procès des assassinats du Président Thomas SANKARA et de Dabo Boukary. Ces procès ont fait l’objet de monitoring par notre institution.

Monsieur le Président,

Honorables Commissaires,

Distingués Délégués,

Mesdames et Messieurs,

La situation politique du Burkina Faso s’est dégradée au cours de l’année 2022. En effet, le pays a connu en l’espace de huit mois deux coups d’état. Le dernier en date est celui perpétré le 30 septembre 2022. Toutefois, la Commission salue le rétablissement de la Constitution, l’adoption de la Charte de la Transition, la désignation du Président de la transition et la mise en place prochaine des autres organes de la transition. Malgré cette situation politique difficile, la CNDH note avec satisfaction que le Burkina Faso a maintenu sa coopération avec les organes des traités. Il a ainsi pu présenter les 30 et 31 mars 2022 le deuxième rapport périodique devant le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille lors de sa trente-quatrième session.

Monsieur le Président,

Honorables Commissaires,

Distingués Délégués,

Mesdames et Messieurs,

La CNDH note un rétrécissement de l’espace civique. En effet, l’exercice de la liberté de manifestation pacifique est depuis un certain temps mis à rude épreuve au Burkina Faso. Ainsi, depuis le dernier trimestre de l’année 2021, voire bien avant, des déclarations de manifestations et de marches- meeting déposées auprès de l’autorité communale ont été purement et simplement interdites au motif de la situation sécuritaire. Ces interdictions des autorités communales ont été soutenues par le Gouvernement qui a avancé ces mêmes raisons. En outre, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR 2), auteur du récent coup d’état, dans son Communiqué n°3 du 30 septembre 2022 a procédé à la suspension des activités des partis politiques et des organisations de la société civile sur toute l’étendue du territoire national. Cette décision non limitée dans le temps et dans l’espace suspend de façon indéfinie la liberté de manifestation. Elle se heurte ainsi à la volonté manifeste de ces organisations d’exprimer publiquement leur opinion sur des préoccupations nationales.

Monsieur le Président,

Honorables Commissaires,

Distingués Délégués,

Mesdames et Messieurs,

Face aux nombreux défis imposés par le contexte politique et sécuritaire au Burkina Faso, la CNDH recommande à l’Etat de :

  • poursuivre les actions de lutte contre le terrorisme dans le stricte respect du droit international des droits humains, du droit international humanitaire et du droit international des réfugiés ;
  • renforcer la prise en charge des personnes déplacées internes ;
  • poursuivre la sécurisation du territoire pour faciliter le retour des personnes déplacées internes et la réouverture des établissements scolaires et autres services sociaux de base ;
  • respecter les libertés nécessaires à la participation à la gestion des affaires publiques ;
  • mettre tout en œuvre pour un retour rapide à un ordre constitutionnel normal.

          Je vous remercie pour votre attention.


Déclaration lue par Madame Antoinette POUYA/SAVADOGO, Rapporteure générale de la Commission nationale des droits humains, le lundi 4 octobre 2022, à Banjul en République de Gambie.

Télécharger aussi ICI: Déclaration de la CNDH Burkina Faso 73ème Session ordinaire CADHP

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *