Rapport 2021 de la CNDH sur la situation des droits humains au Burkina Faso : La synthèse

SYNTHESE DU RAPPORT ANNUEL SUR LA SITUATION

DES DROITS HUMAINS AU BURKINA FASO EN 2021

Mesdames et Messieurs des organes de presse,

Mesdames et Messieurs les partenaires de la CNDH,

Mesdames et Messieurs les représentants d’organisations de la société civile,

Avant tout propos, je voudrais vous adresser mes remerciements et ceux de mon institution pour avoir honoré de votre présence cette conférence de présentation du rapport annuel 2021 malgré vos agendas que j’imagine chargés en cette fin d’année.

Aux termes de l’article 7 de la loi n° 001-2016 portant création de la Commission nationale des droits humains (CNDH) : « La Commission élabore et publie chaque année un rapport sur la situation des droits humains dans lequel elle fait des recommandations.  Le rapport est transmis au Président du Faso, au Président de l’Assemblée législative de transition, au Premier ministre et aux Présidents des hautes juridictions ».

La publication du rapport vise à rendre compte de la situation des droits humains en fournissant des informations sur les problèmes recensés par l’institution et orienter ainsi le choix des différents secteurs d’intervention des acteurs intervenant dans le domaine des droits humains.

Après le premier rapport qui a couvert la période 2019-2020, la CNDH a élaboré son deuxième rapport sur la situation des droits humains qui a concerné l’année 2021. Elle avait pris le pari de le rendre au plus tard en début du deuxième semestre de cette année. Ce pari avait été presque tenu car le présent rapport est finalisé et validé par les Commissaires depuis le mois d’août 2022. Cependant pour des raisons indépendantes de notre volonté, sa publication intervient pratiquement en cette fin d’année.

La Commission a amorcé des activités de communication du rapport afin de rendre public son contenu et susciter son appropriation par les différentes parties prenantes. C’est pourquoi la présente conférence de presse vise à informer les hommes et femmes de média et nos différents partenaires sur les principales articulations du rapport 2021.

La CNDH inscrit ces activités de communication sur le rapport dans le cadre de la commémoration de la Journée internationale des droits de l’Homme célébrée le 10 décembre 2022.

La présentation synthétique de notre rapport 2021 sur la situation des droits humains au Burkina Faso s’articule autour de deux (2) points à savoir : la synthèse du rapport 2021 et les recommandations.

  1. Présentation de la situation des droits humains au Burkina Faso

Le présent rapport fait une synthèse des préoccupations sur l’état des droits humains au Burkina Faso pour la période de 2021. Les thématiques retenues sont : la situation des droits humains dans le contexte sécuritaire, la situation spécifique des personnes déplacées internes, la situation des droits catégoriels, les avancées législatives en matière des droits humains et les droits humains et développement. Les différentes constatations qui sont présentées dans le rapport ressortent des différentes constatations effectuées par la CNDH lors de ses différentes activités entrant dans le cadre du suivi des droits humains.

Mesdames et Messieurs, il convient déjà de souligner que pour la période 2019-2020, les trois (3) premières thématiques (situation des droits humains dans le contexte sécuritaire, la situation spécifique des personnes déplacées internes, la situation des droits catégoriels) avaient été analysées dans le rapport de la Commission. Au regard du contexte actuel et au vu de leur persistance, la Commission a fait l’option de renforcer leur suivi courant 2021.

On note que notre pays a connu une recrudescence des attaques terroristes en 2021 avec leur extension et intensification dans les régions des Cascades et du Sud-Ouest. Ces nombreuses attaques ont donné lieu à de nombreuses violations et/ou abus des droits humains.

L’ensemble des droits humains, qu’ils soient civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ont été gravement affectés par la dégradation du contexte sécuritaire.

Relativement aux droits civils et politiques, la période a été marquée par la multiplication des attaques des groupes armés terroristes (GAT) avec principalement pour cibles les populations civiles. La plus marquante de ces attaques a été celle de Solhan dans la province du Yagha, région du Sahel perpétrée le 5 juin 2021 par les GAT qui a fait 132 personnes tuées et une quarantaine de blessés, essentiellement des populations civiles. D’autres attaques contre les populations ont fait l’objet de documentation par la Commission. Il s’agit, entre autres, de l’attaque perpétrée par des GAT le 3 mai 2021 dans le village de Kodyèl dans la Commune de Foutouri dans l’Est qui a causé la mort d’au moins 25 personnes et de nombreux bléssés, celle du 18 août 2021 contre un convoi de civils dans la Commune de Gorgadji qui a causé la mort d’au moins 47 civils et militaires.

L’analyse des données recueillies sur ces différents cas par la Commission, pose le problème de la protection des civils qui interpelle l’Etat à apporter des réponses urgentes en tant que Garant de la sécurité des populations et de leurs biens.

Durant la période concernée par le rapport, les forces de défense et de sécurité (FDS) ont été durement éprouvées à travers plusieurs attaques dirigées contre elles et leurs installations. A titre illustratif, nous avons enregistré l’attaque du détachement de la gendarmerie d’Inata survenue le 14 novembre 2021 qui a causé la mort de 57 personnes dont 53 gendarmes, 4 civils et 20 gendarmes portés disparus, l’attaque le 5 août 2021 à Tokabangou contre une Unité du détachement militaire de Markoye qui a fait 15 militaires et 4 VDP tués ; celle du 8 août 2021 contre une escorte composée d’éléments des FDS dans le village de Doukoun, commune de Toéni qui a coûté la vie à au moins 12 soldats, et enfin celle du lundi 4 octobre 2021 contre le détachement militaire de Yirgou qui a coûté la vie à 14 militaires.

La Commission note que les opérations de riposte contre les actes terroristes ont souvent donné lieu à des allégations de violations des droits humains (droit à la vie, et à l’intégrité physique et morale) généralement attribuées aux FDS et VDP par plusieurs sources.

Relativement à la disparition forcée, la période a connu un accroissement des cas de dénonciation de personnes disparues en lien avec les opérations de sécurisation du territoire. Ces cas ont concerné les sites de PDI de Ouahigouya, Barsalgho et Fada N’Gourma. La Commission a conduit une mission d’investigation en novembre 2021 à Djigouè dans la Région du Sud-Ouest qui a conclu à l’existence de cas de disparition forcée de 15 personnes.

Enfin, la CNDH a relevé des restrictions disproportionnées aux libertés d’expression, d’opinion et d’information avec la coupure d’internet sans une base légale et des cas de justice privée exercée contre des individus, notamment le lynchage à mort de trois (3) agents du Centre de Contrôle des Véhicules Automobiles (CCVA) le 27 août 2021 dans le village de Banlo.

Pour ce qui des droits économiques, sociaux et culturels, la CNDH a noté de manière générale leur dégradation continue par rapport à 2020, avec un fort impact sur le vécu des populations. La fermeture d’établissements scolaires, les attaques dirigées contre des infrastructures sanitaires, la destruction de dépôts de médicaments essentiels génériques, l’impossibilité pour certaines populations de cultiver, la fermeture de nombreux services administratifs (mairies, gendarmeries, commissariats de police, tribunaux de grandes instances, etc.), la perturbation des activités économiques du fait des menaces et autres agissements des groupes terroristes ont mis fortement à rude épreuve l’effectivité et la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels surtout dans les zones en proie aux attaques terroristes.

La dégradation du contexte sécuritaire a entrainé un déplacement massif de populations. Comparativement à l’année 2020, le nombre de Personnes déplacées internes a connu une hausse passant de 1 074 993 PDI à 1 579 976 au 31 décembre 2021, soit un taux d’accroissement de 46,98% en l’espace d’une année.

Si des efforts ont été fournis pour leur prise en charge, il n’en demeure pas moins que de nombreux défis liés aux violences basées sur le genre, à l’alimentation et aux services sociaux de base, à l’assainissement, à l’accès à l’eau potable, au logement, à la santé, à l’éducation sont toujours d’actualité et méritent une attention soutenue.

Relativement aux droits catégoriels, le présent rapport fait ressortir des défis liés à la persistance des violences conjugales, des cas de viols et au recrutement d’enfants par les groupes armés terroristes.

S’agissant des textes de loi qui ont été adoptés par l’Assemblée nationale courant la période du rapport, ces textes présentent des progrès en matière de protection des droits humains au plan interne. Il s’agit notamment de la loi n°002-2021/AN portant modification de la loi n°001-2016/AN du 24 mars 2016 portant création d’une Commission nationale des droits humains, de la loi n°001-2021/AN portant protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

Relativement aux droits humains en lien avec le développement, la Commission relève quelques défis qui sont relatifs au droit à un environnement sain avec la persistance de l’utilisation des produits dangereux dans l’orpaillage et la présence de produits impropres à la consommation qui affecte le droit à la santé.

A l’issue de son examen de la situation des droits de l’homme contenu dans son rapport 2021, la CNDH formule un certain nombre de recommandations au titre desquels on peut relever :

  1. Recommandations

Sur la situation des droits humains dans le contexte sécuritaire

  • renforcer les opérations de protection des populations civiles, de sécurisation du territoire et de lutte contre le terrorisme dans le respect du droit international des droits de l’homme, du droit international humanitaire, du droit des réfugiés et de la législation nationale  ;
  • prendre des mesures pour la réouverture et la sécurisation des services administratifs, des tribunaux et autres structures de l’Etat dans les zones à fort défis sécuritaires ;
  • évaluer les préjudices subis par les victimes des attaques terroristes et mettre en place un fonds d’indemnisation à leur profit ;
  • enquêter systématiquement sur les allégations de disparitions forcées, d’exécutions sommaires et extrajudiciaires ;

Sur la situation spécifique des personnes déplacées internes

  • renforcer la protection et l’assistance de toutes les PDI, y compris celles qui sont installées hors des sites ainsi que des populations autochtones ;
  • rechercher, juger et sanctionner systématiquement les auteurs et les complices des violations et abus des droits des PDI ;
  • renforcer le dispositif sécuritaire des camps et des sites d’accueil des PDI ;
  • accélérer la domestication de la Convention de Kampala par l’adoption d’une loi spécifique portant protection et assistance des PDI ;

Relativement aux droits catégoriels

  • renforcer les mesures de retrait des enfants dans la rue ;
  • rechercher et juger les personnes présumées auteurs de recrutement d’enfants au profit des GAT ;
  • créer un centre spécialisé de déradicalisation pour les enfants associés aux GAT et leur offrir des possibilités de réintégration et de réadaptation durables ;
  • renforcer la sensibilisation sur les violences basées sur le genre au profit des populations ;
  • renforcer les capacités des femmes et des filles PDI sur les mécanismes de dénonciation et de plainte existant sur les VBG ;
  • opérationnaliser le fonds d’appui à la prise en charge des femmes et des filles victimes de violences.

Sur les droits humains et le développement :

  • renforcer les mesures de lutte contre l’usage des produits prohibés dans l’orpaillage ;
  • procéder à la fermeture systématiques des sites d’orpaillages installés dans les aires protégés ;
  • renforcer le dispositif de contrôle des importations pour prévenir l’entrée de produits prohibés et impropres à la consommation ;
  • renforcer le contrôle de la qualité des produits de consommation.

Sur les textes législatifs en matière de droits humains

  • veiller au respect et à l’adoption des textes d’application de la loi n 030-2021/AN du 18 mai 2021 portant régime général des armes, de leurs pièces, éléments, munitions et autres matériels connexes au Burkina Faso ;
  • mettre en œuvre la loi n004-2021/AN du 6 avril 2021 portant régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs salariés et assimilés et la loi n003-2021/AN du 1er avril 2021 portant régime de sécurité sociale applicable aux agents publics de l’Etat au Burkina Faso
  1. Conclusion

Le rapport sur la situation des droits humains au Burkina Faso pour la période de 2021, présente un état des lieux globalement très préoccupant du fait de la crise sécuritaire qui annihile les efforts consentis par l’Etat pour garantir l’effectivité des droits humains dans notre pays et particulièrement dans les zones à fort défis sécuritaires.

La sécurité étant une condition de l’effectivité des droits humains, la Commission recommande prioritairement que les mesures et actions de sécurisation des populations, du territoire et de lutte contre les GAT soient intensifiées mais dans le respect des engagements de notre pays en matière de droits humains.

Aux côtés des autorités et des pouvoirs publics, la Commission s’engage à accompagner les actions entreprises pour relever les défis actuels en lien avec la jouissance des droits humains et la protection des populations.

Voici ainsi présentée Mesdames et messieurs de la presse et des médias, la substance du rapport de la CNDH sur la situation des droits humains au Burkina Faso pour la période de 2021.

Je vous remercie pour votre attention soutenue.

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